sol invictus.

POLYVORE.

NILS FORTUIJN
à nos démons devenus nuages
qui parasitent le ciel

AGE — vingt-quatre ans fraîchement acquis sur la route, quelque part en provence dans un village au nom interminable qui laisse dans son sillon un goût de vin cher derrière les dents et une toile de van gogh derrière les paupières. DATE ET LIEU DE NAISSANCE — dix-sept mars 1994 à gronigen, à l'extrême nord des pays-bas. NATIONALITÉ — hollandais. l'intérêt que les habitants de malcesine (qui écorchent allègrement son nom de famille) portent aux frontières du nord étant tout relatif, on l'appelle 'il fiammingo' : le flamand. il hausse les épaules. meh, close enough. ÉTAT CIVIL — célibataire. à amsterdam, sa vie sentimentale se résumait à une brochette d'incursions tinder foireuses, quelques swipe right mal avisés depuis les toilettes d'un bar poisseux. c'est en observant les épaules des adolescents se trouver contre les galets et les mains ridées des veuves sur lesquelles continuent à briller les anneaux que nils a commencé à se faire à l'idée que l'amour peut être plus que deux orgasmes et quelques textos amicaux, même pour lui, que la romance n'est pas que l'opium des masses. OCCUPATION — à amsterdam, jusqu'à peu, il était étudiant. il y a quelques mois lui a été tendu le bout de papier qui fait de lui un homme, qui fait de lui un des grands. il est ingénieur civil, ou du moins c'est ce que son diplôme qu'il n'a pas encore utilisé voudrait lui faire croire. à malcesine, en revanche, il est backpacker. il est jeune. il est tout petit. patchwork humain qui vit de la générosité des autres, qui échange lit et repas contre de menus services - nils peint les façades fanées, répare les vélos cassés, cueille les citrons mûrs, lit aux vieilles dames dans son italien hybride, germanique, exotique dans sa rugosité qui les font glousser. à malcesine, nils s'apprend à sourire, s'essaie à la vraie vie. COMMUNAUTÉ(S) — aucune. GROUPE — stranieri. MOOD BOARD — clique.

cose su di me.

QUALITÉS — logique et analytique (quitte à donner l'impression qu'il a une foutue calculatrice en guise de lobe frontal), sincère à l'extrême, physiquement incapable de mentir, travailleur, digne de confiance, a soif d'apprendre et envie de transmettre, souriant, réaliste, perfectionniste, organisé. DÉFAUTS — théorique, froid à premier abord, trop cérébral, fait 'interactions humaines' deuxième langue, flegmatique, réservé, réfractaire au contact physique, instable, oscille entre trop direct ou carrément fuyard - source de frustration inépuisable pour tous ceux qui croisent sa route. PASSIONS — chez nils, passion se rédige au singulier : l'application des algorithmes aux sciences naturelles. rien que ça. sujet de son mémoire reçu avec la plus grande distinction, raison pour laquelle un poste de doctorant l'attend à amsterdam. sauf que c'est pas une passion, pas vraiment, il le pense candidement, seulement parce qu'il n'a rien avec quoi le comparer (erratum : chez nils, passion ne se rédige pas). c'est tout juste une satisfaction académique, un goût cérébral, rien qui prend aux tripes, rien qui le fait vibrer parce qu'il ne s'est jamais rien autorisé de primitif, nils. il décortique tout, réduit le monde à la somme des équations qui le composent, ne laisse aucune place à l'instinctif, au passionnel. mais s'il est certain d'une chose et d'une seule que les mathématiques ne lui ont pas apprise, c'est la suivante : s'il y a un endroit sur terre pour s'initier à la passion, c'est ici. SAISON PRÉFÉRÉE — ici, maintenant, la première saison qu'il goûte et voit autrement qu'à travers un carreau de fenêtre taché. FRUIT PRÉFÉRÉ— ça change en fonction de qui le lui place entre les doigts, de la couleur de sa mélancolie, de l'électricité dans l'air ou la région qu'il traverse. en ce moment, c'est le citron sous toutes ses formes, principalement il gelato al limone qui compose depuis son arrivée un bon 30% de son alimentation. LIEU FAVORI — la villa de lola, en particulier le verger dans le fond du jardin. RÉPUTATION A MALCESINE — qu'il est adorable, il fiammingo, une perle. serviable, prévenant, il a charmé toutes les nonnas du village avec ses yeux bleus et son sourire timide. il a la curiosité de l'étranger et le respect de l'anthropologue mais c'est criant qu'il n'est pas du coin. il est réservé, poli, coincé. il est du nord et il commence à peine à fondre. lui qui essaie de se fondre parmi les solara, c'est si divertissant, si adorabile, comme regarder bambi qui apprend à marcher. AU VILLAGE DEPUIS — un petit mois, diraient les habitants. comme depuis toujours, caro mio, dirait lola. dix-neuf jours, dira nils.

vivere in città.

malcesine comme mal. malcesine comme un foutu signe de l'univers au milieu de la carte. trois petites lettres et des hectolitres de réconfort. quelque part en cours de route, le cartésien est devenu superstitieux. trois petites lettres comme les deux épaules et la gorge de son meilleur ami décédé - un endroit pour pleurer pendant une heure et guérir pendant une saison. nils était à milan, par hasard, il était en chemin pour vérone, à l'aveuglette. mais c'est trop tragique, la belle vérone où nous plaçons notre scène, ça prétend à l'amour alors que ça empeste la mort. malcesine c'est beau comme l'absence d'une promesse, car nils, ignorant à quoi s'attendre, n'attendait rien. il est arrivé de nuit, à bout de souffle, a fait crisser ses freins usés sur les pavés de la piazza statuto. sa première résidence au village fut un banc en fer forgé. pour la première fois, il n'a pas attaché son vélo. ne s'est pas embarrassé à le cadenasser. ça semblait indécent, étrangement, de verrouiller quoi que ce soit ici. cela semblait être profane. comme manquer de respect à la tranquillité de la nuit. épuisé, il s'est endormi à quelques mètres de son vélo immobile, recroquevillé sur le banc. lorsque nils s'est réveillé, il y avait une couverture sur ses épaules et une vieille dame assise à côté de lui. dans le plus grand silence, ils ont regardé ensemble le lever de soleil. un spectacle orange et corail, presque tape-à-l'oeil dans sa majesté. tout était beau, tout était calme. je pourrais m'y habituer. malcesine comme mal, comme le chemin du fidèle arrivant à destination, comme être un pèlerin et atteindre par hasard la terre promise.
il a toujours la couverture. un patchwork de tricot aux couleurs passées. sa possession la plus précieuse. surface plane de réconfort comme l'épaule d'un meilleur ami.

dietro lo schermo.

PSEUDO/PRÉNOM — ivy.
PRÉSENTATION PERSONNELLE — j'étudie la littérature, je suis belge, j'aime faulkner, la poésie, le rap, le romarin et faire des moodboards à mon binôme. grosso merdo ma biographie.
FRÉQUENCE DE CONNEXION — un peu tous les jours
AVATAR — tom webb
COMMENT AVEZ-VOUS CONNU LE FORUM ? — bazzart
MOT DE LA FIN — "répertoire des répertoires (parce que pourquoi pas)" j'en ris toujours ! ce forum est une bouffée d'air frais. puis merci pour ce champ mood board, il fait trop plaiz'.

dimmi la tua vitta.

fortuyn. il l'orthographie souvent ainsi, de façon à mieux accommoder les palais latins qui rechignent plus que nécessaire devant son patronyme. privé du 'j' qui donne toute sa couleur locale à nils, le nom inspire, le nom remplit les bouches d'un goût cuivré. il évoque un trône de lingots scintillants et nils devient midas aux yeux clairs, pommettes constellées de taches de rousseur comme autant de paillettes d'or décorant une pâtisserie. il y a ceux pour qui ça évoque un fer à cheval et du trèfle, des champs et des champs entiers qui sentent le printemps et la chance. nils ne croit pas en la prédestination de l'onomastique, trop cartésien pour cela, il croit ce qu'il voit, il croit ce qu'il prouve et si l'histoire lui a démontré une chose et une seule, c'est qu'il n'a jamais eu aucune fortune - qu'elle soit sonnante et trébuchante ou tout juste superstitieuse. ni riche ni chanceux, tout ce qu'il a jamais obtenu, c'est à la sueur de son front et au talent de sa matière grise. sauf que, depuis peu, il y a une fortune à laquelle il croit, une fortune qu'il est prêt à revendiquer. troisième acceptation du mot : sa destinée. il a laissé la raison froide à amsterdam, l'a attachée au barreau d'un banc avec le cadenas de son vélo. sa destinée sous la forme d'un message vocal whatsapp, ou la façon la plus 2018 de se voir assigner une quête de protagoniste d'un conte de fée. il est parti à la recherche de sa fortune, la vraie, celle qui tapisse d'or l'intérieur du corps, celle qui enrichit les organes et laisse les poches vides. il est parti à l'aveuglette, comme tant d'autres avant lui, comme un héros médiéval, ou comme les premières phrases de stardust de neil gaiman, fourré dans le fond de son sac à dos, sa copie violette qui gondole d'avoir été lue sous la pluie, d'avoir été feuilletée trop près du lac ;

"there was once a young man who wished to gain his heart's desire. and while that is, as beginnings go, not entirely novel (for every tale about every young man there ever was or will be could start in a similar manner) there was much about this young man and what happened to him that was unusual, although even he never knew the whole of it."

quot linguas calles. il parle néerlandais, anglais, français mais surtout, nils, il parle les chiffres. pour un type qui était promis à un grand avenir dans les mathématiques (l'est toujours ? la question à ne pas lui poser si vous souhaitez lui éviter de quatorze à cinquante minutes de crise existentielle), ça paraissait largement suffisant, voire un tantinet frimeur. depuis qu'il a passé les alpes, tout à coup, il sait à quel point il ne sait rien. au moins, il apprend vite. son esprit, toujours pas défait des automatismes de sa vie précédente, engrange la langue avec rapidité, l'organise en formules, la traduit en additions et multiplications, un dialecte qui lui vient naturellement. cela fait plus de deux mois qu'il est sur le sol italien et il se fait comprendre sans trop de problèmes, bien qu'il parle la langue avec un fort vernis européen ; du français arrondi parsemé de quelques locutions latines apprises par coeur sur les bancs de l'école, à l'exception de deux d'entre elles. qui, bien qu'enseignées et retenues au collège, il ne comprend que depuis peu. memento mori, à amsterdam : le corps pâle de son meilleur ami retrouvé dans les toilettes de l'université - qui, courtois jusque dans sa propre mort, a préféré se suicider dans cet endroit blafard et sans poésie plutôt que d'imposer à nils de découvrir son cadavre dans le minuscule studio qu'ils partageaient. puis carpe diem, appris quelque part sur la route, ramassé comme un euro, scintillant entre le gravier, glissé dans le porte-monnaie. het werd tijd, vingt-quatre ans qu'il est né et il prend seulement sa première inspiration. oui, c'est douloureux. oui, ça brûle pendant la descente. oui, ça fait mal de vivre, évidemment, évidemment, pourquoi tu crois que les nouveaux-nés hurlent ?

he’s just another lost boy,
with hollow eyes, reaching for the sun.
and if we’re all stories in the end,
then he must have been written to be,
just another goddamn tragedy.

bicicletta. car quel néerlandais digne de ce nom se lancerait sur la route sans son vélo ? le fidèle destrier de nils est un batavus vintage, kaki et orange. acheté de seconde main il y a quatre ans dans le quartier de pijp à amsterdam, décoré de quelques autocollants dont il n'a jamais voulu mais qu'il a été (comme tout, comme trop) incapable de refuser. il le bichonne, le gâte, l'entretient, ce vélo. il est ce que nils a de plus proche d'une famille - et c'est triste pas vrai ? c'est triste parce que c'est vrai, c'est triste parce que ce n'est pas une jolie image, une belle figure de style, peu importe ô combien il souhaiterait que ça le soit. le vélo de nils est vieux mais fiable, le vélo de nils est robuste et élégant, le vélo de nils mérite sa propre série de livres pour enfants. batavus le long du canal, batavus en goguette, batavus au luxembourg, batavus sur la nationale 7, batavus dans les alpes, batavus dans ces putains d'alpes, batavus et l'aventure du 'est-ce que les alpes s'arrêteront un jour', batavus a de l'hémoglobine sur le cadre, batavus et le rayon qui a percé la jambe de nils, batavus a l'arrière d'une camionnette puis dans le couloir d'un train, batavus et le mal du pays... nils s'accroche à ce bout de ferraille d'une façon à la fois désespérée et pleine d'espoir. parce qu'il a dit au revoir à tout. il a tout abandonné, mis sur pause ou dispersé aux quatre vents. ses fringues, ses connaissances, ses bouquins, son appartement, ses amitiés bancales et polies, jusqu'à son avenir, qui était autrefois solide et carré comme un parpaing, qui était tout proche, avec lequel il allait bâtir son confort, sa renommée. il a tout laissé derrière. il n'a plus rien donc il n'est plus rien. tout juste le contenu de son sac à dos. une identité réduite à ça : cinq t-shirts, deux livres, une gourde et un vélo. ce qu'on ne dit pas au sujet de la liberté, c'est qu'elle prend aux tripes - pas comme un coup de foudre, plutôt comme une chute libre. ce qu'on ne dit pas au sujet de la liberté, c'est qu'elle est vertigineuse et t'oblige à regarder en bas. c'est qu'elle te laisse démuni. tout ce qu'il lui reste comme témoin de vingt-trois ans de vie grise et repliée sur elle-même, c'est ça. c'est lui. son vélo. batavus et la peur du vide.




whatsapp
de : mal
message vocal
0:58 // 23:49

Citation :

non j'sais pas c'était nul la cérémonie putain mec, elle l'aime même pas, je suis sûr qu'elle l'aime même pas, c'est un pingouin comme tous les autres et elle le sait. je comprends pas, on est en 2018 merde, pourquoi te laisser faire comme ça ? pourquoi te contenter d'une petite vie morne et triste alors que tu peux faire ce que tu veux ? je suis sûr qu'ils baisent en missionnaire, c'est bien le genre tu sais. tout est possible, on a cette putain de chance et on est là, à bouffer nos nouilles instantanées. le truc le plus beau que j'ai vu cette année c'est le lemme d'euclide, c'est pas normal, on passe à -
tu sais quoi, quand on était gosses, elle voulait devenir confisière. elle voulait faire des bonbons. c'est con, hein ? comme willy wonka. je sais pas à quel âge on l'a convaincue que c'était pas "réaliste", qu'il lui fallait un connard de mari qui gagne bien sa vie et porte des putains de polos, DES POLOS ! je ne sais pas qui l'a convaincue mais si ça se trouve c'est moi. si ça se trouve, quand mes parents lui disaient de se poser, j'étais d'accord et - quand est-ce que t'as fait pour la dernière fois un truc pour la première fois mec ? les gars comme nous, les intellectuels de mes deux, on ricane devant les questions comme ça, on se dit "c'est kitsch hein", parce qu'on a peur de se les poser. on est des lâches, on vaut pas mieux que lui, peut-être encore moins parce qu'on pense être courageux. on fait des études difficiles donc on est forcément des héros, c'est ce qu'ils nous disent tous, nos parents veulent mieux pour nous que pour eux, mais on est une putain de génération test. sous prozac dans vingt ans on se rendra compte que wait a minute, tout compte fait, c'est une vie de chiotte, c'est tout ce que ça sera jamais - des chiffres putain ! tu te rends compte de comment c'est absurde, des chiffres, on vit pour des chiffres, la seule chose qui nous différencie d'un ordinateur c'est qu'on se branle de temps en temps, tu te [...]

de : mal
message vocal
0:43 // 23:51

Citation :

[...] à deux rues du musée van gogh et on y est jamais allés ! j'en peux plus mec j'en peux plus j'en ai marre que la liste de ce qu'on a dit qu'on ferait soit plus longue que la liste de ce dont on peut être fiers. cinq ans d'études et puis le calvaire s'achève ? non, non, non, non, non, non, cinq ans d'études et le calvaire commence vieux, je veux pas, je peux p- j'veux aller au musée. je veux voir tous les van gogh. je veux voir les cyprès. non, tu sais quoi, je veux voir où il a peint les cyprès. je veux être mort saoul dans le sud de la france plutôt que d'être mort saoul dans les toilettes au mariage de ma soeur - j'veux me couper l'oreille. je veux me couper la putain d'oreille, je te le jure, si c'est ça qu'il faut pour sortir de la matrice je le ferais je le ferais je le ferais je veux coucher avec une fille dans un champ de blé - merde, tu sais quoi, je veux tomber amoureux. j'veux être impulsif. je veux chialer pour autre chose que mon final paper de géométrie informatique, j'ai envie que quelqu'un meure. ou que quelqu'un naisse. c'est pareil au final, hein, c'est de ça que lavoisier parlait nan ? je veux peindre une nuit étoilée. genre une où - tu vois avec - je veux aller quelque part où on voit les étoiles. je veux dire à mes parents qu'ils ont tout ruiné, qu'ils m'ont ruiné, je veux te dire à toi que t'es qu'un pauvre con : t'entends ça fortuijn ? t'es qu'un con, comme moi, t'es qu'un lâche. comme. moi. sauf que j'ai le courage de le dire et toi t'as même pas le courage de le penser tu gâches ta vie avec tes algorithmes de merde, jolie contribution à l'humanité, merci, vraiment, thank you for your input, qu'est-ce qu'on ferait sans toi, j'suis bien content que t'aies été le spermatozoïde gagnant tiens, on peut tous dormir sur nos deux oreilles. je -
je veux dire -
on passe à côté.
enfin -
c'est pas une vie, mec, si ?
...
tu -
...
hm.
c'est pas une vie.

de : nils
message texte
00:09

Citation :

on a exam demain mec. va dormir.

you know, they say that there is a part
of the human chest that if you strike it hard enough
the person’s heart explodes. this sounds like such a lie
that I have to believe it’s the truth. if I were science,
I’d never tell anyone where this place is. if I were science,
I’d have named this place after you.

mal. le grand amour de la vie de nils. son meilleur ami. son colocataire. son frère, quelque part - en tout cas bien plus que marius, le vrai frangin biologique de nils. mal. un mètre quatre-vingt-douze d'awkwardness, il prenait toute la place dans leur si petit studio. master ingénieur civil en science des données, il catégorisait tout, répertoriait le moindre détail de leurs vies de couple marié platonique, faisait des listes, des listes des listes qu'il devait faire, et les rassemblait en listes des listes des listes qu'il devait faire. mal et ses vans pourries, cinq ans après qu'elles soient passées de mode, mal et son écart entre les dents, mal et son ordinateur qui faisait du bruit, qui crache et renâcle comme un patient en soins palliatifs. depuis l'arrivée de nils à amsterdam, six ans auparavant, maigre et seul, mal est devenu sa famille. les deux seuls étudiants dans la résidence à hanter les couloirs vides le weekend plutôt que monter dans un train et rentrer voir les leurs - car il n'y avait personne qui les attendait au bout des rails. car chez eux, c'était l'un l'autre. ils bouffaient mal, riaient fort, s'encourageaient à passer la nuit dans leurs notes, s'interrogeaient sans relâche la veille des examens jusqu'à faire couler leur propre sang sur le papier quadrillé, jusqu'à être incollable dans la spécialité de l'autre. jusqu'à s'absorber entièrement - composer un seul être, quatre yeux, quatre jambes, vingt doigts et tout ce putain de labeur. toute cette foutue intelligence. de quoi bouffer le monde. la revanche des oubliés. c'est comme ça qu'il les voyait, nils. il n'a jamais été religieux mais il croyait en ça, il croyait en eux, ils formaient leur propre petite famille et leur nom était samen. nils & mal samen. ensemble. une barque et leurs deux culs à l'intérieur. en rétrospective, nils n'a aucune idée d'où le bât a blessé. d'à quel moment ils ont dérivé - mais c'est arrivé, c'est arrivé, ils ont pris l'eau. il n'y a pas d'autre explication au fait qu'il n'ait rien vu. ni la dépression insidieuse de mal, ni ses multiples appels à l'aide. les études sont ardues pour tout le monde, la pression est intenable, un étau constant autour des côtes, poumons comprimés dans la poigne du monde académique mais il avait les épaules larges, non ? il pouvait l'encaisser, non ? il mesurait un mètre quatre-vingt-douze, merde ! il n'a rien vu. encore moins la solitude que mal ne parvenait plus à combler par l'algèbre et l'impression de se tenir sur le précipice de sa propre importance. c'est ce dont il avait toujours été question : ingénieurs, vous serez grands, vous serez utiles, vous serez nécessaires. tandis que nils passait son dernier examen, tandis qu'il écrivait un point final au prologue de sa vie au premier étage de la faculté de sciences appliqués, son meilleur ami avalait une boîte d'aspirines dans les toilettes du cinquième. "va dormir" ou les dernières paroles que nils adressera jamais à son meilleur ami. ils ne juraient que par les chiffres tous les deux, les estimaient supérieurs aux mots. définition élémentaire de l'ironie. cette nuit là, un euphémisme coûta une vie.





✔ sauf que ce n'étaient pas des messages vocaux. ça en avait l'apparence, la texture, ça en avait revêtu les traits et la peau mais ce n'étaient pas des messages vocaux, c'était bien plus que ça, c'était une lettre de suicide. la métaphorique oreille coupée. y avait qu'un matheux aveugle pour ne pas s'en rendre compte. assis sur les affreux draps ikea oranges de mal, quelques heures après le coup de téléphone que nils avait bien évidemment filtré - car dans cette conjoncture économique, quel moins de 40 ans décroche encore quand le numéro est inconnu ? - c'était apparent que ça avait été un adieu. dernier examen de leur dernier semestre de leur dernière année, ce soir était supposé être la délivrance. ils avaient tout prévu. il y avait la soirée des filles du bâtiment b (nils aimait bien lynn, mal craquait pour margot), ensuite, le tournoi de beerpong sur le toit. une ivresse monumentale et triomphante au sommet de la ville. puis au petit matin, les lèvres parfumées au houblon et au lipstick cerise des filles, se glisser à l'intérieur de l'université sur la pointe des pieds. grimper jusqu'au sixième et, sur les lattes du plafond, graver leurs initiales. une bouteille à la mer, une récompense, une comptine. we were here, we were here, we were really here. on a existé même s'il n'y a personne pour s'en souvenir. la perspective d'un beerpong alors que son frère reposait au funérarium dans un cercueil d'acajou était abjecte mais pas plus abjecte que le silence de l'appartement, pas plus abjecte que la suffocation entre les murs nus, pas plus abjecte que vadormirvadormirvadormir. les nouvelles de la mort de mal étaient trop fraiches pour avoir atteint quiconque outre sa famille biologique et son colocataire. ils aimaient les énigmes, tous les deux, ils aimaient la philosophie, se hurlaient dessus avec le sourire au nom du chat de schrödinger. mal aimait celle-ci : si un arbre tombe dans la forêt et qu'il n'y a personne pour l'entendre, fait-il du bruit ? rectification : si un garçon se suicide dans les toilettes mais que personne à la soirée n'est au courant, est-il seulement mort ? pas une larme, pas un sanglot car pourquoi nils pleurerait-il, pourquoi verser de la flotte si son pote est encore en vie ? il lui devait ça, bien plus que la tristesse, bien plus que le deuil. il lui devait l'ivresse monumentale, la gueule de bois biblique. il lui devait d'enlacer margot et lynn, en embrasser une sur le toit et allonger l'autre sur les draps oranges. il lui devait de vivre un peu cette nuit là. il lui devait de graver leurs quatre initiales, enchevêtrées, entremêlées, superposées, sur les lattes du plafond. il lui devait de l'absorber. ils étaient deux demi-hommes vivant deux demi-vies ; ensemble, samen, ils devraient enfin être suffisants. nils fit seul ce qu'ils s'étaient promis de faire à deux. après l'enterrement, tout de noir vêtu sur les draps oranges comme un fichu décor d'halloween, il réécouta les messages vocaux. puis une nouvelle fois, puis une autre. jusqu'à ce que les mots s'impriment à l'intérieur de son oreille, jusqu'à ce que les dernières bribes de théorie des matières s'évacuent de sa mémoire pour laisser place à mal et sa voix grave, ses inflexions rendues lentes par l'alcool et (il l'entendait maintenant) le désespoir. les draps oranges avaient l'odeur de margot et le goût des larmes. chialer pour autre chose qu'un final paper, fait. dans les toilettes du cinquième étage, quelqu'un était mort. sur des draps ikea oranges, quelqu'un était né. il restait quoi ? aller au musée van gogh, facile. peindre les étoiles. voir les vrais cyprès. tomber amoureux. il ferait tout pour rendre hommage à mal, pour honorer ses dernières volontés, il ferait tout nils. il prendrait son vélo et roulerait jusqu'en provence. il mettrait son diplôme dans un tiroir et sa vie sur pause. il se couperait une oreille s'il le fallait, il se couperait une putain d'oreille. c'est sur la route, quelque part sur une berge du rhin, qu'il a réalisé à quel point il se trompait. qu'il a compris qu'il n'avait pas mis sa vie entre parenthèses, au contraire, mais que ça lui avait mis presque vingt-quatre piges d'apprendre à vivre. listen - are you breathing just a little and calling it a life?

Nils Fortuijn a écrit:

@noor, ja tuurlijk, ik ben belg (en trots om het te zijn   ). het is lang geleden dat j'ai plus pratiqué cela dit  
et puis-je te faire remarquer que ce n'est pas de la pollution si c'est bénéfique à la santé de chacun ?  

Lola Solara a écrit:

la mélodie du chef d'oeuvre qui arrive putain.  
tout est b-e-a-u et #aesthetic af, comment fais-tu ???
c'est l'éternelle question que je me pose à chaque fois que je redécouvre ta plume.
mais va écrire un livre sérieux.
SERIEUX.  
sinon, nils c'est déjà mon petit bb chat  
PROTECT HIM AT ALL COSTS.  

Citation :

rectification : si un garçon se suicide dans les toilettes mais que personne à la soirée n'est au courant, est-il seulement mort ?

les liens utiles : — Une fois validé-e, tu pourras ouvrir ta fiche de liens te permettant de te créer des relations avec les habitants de Malcesine. — Pense aussi aux Repertori, dans lequel il faudra éventuellement (selon ton personnage) te faire référencer. Les scénarios et pré-liens devront aussi y être répertoriés ! Note qu'il est possible de créer de nouveaux repertori si besoin. — Enfin, tu peux compléter ton profil avec différents champs (occupation, humeur) et avec les liens vers ta fiche de liens et de présentation. — Evidemment, nous t'attendons également dans le flood ! Bienvenue parmi nous